LA BEATRIZ



La Béatrice


Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,

Comme je me plaignais un jour à la nature,

Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,

J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,

Je vis en plein midi descendre sur ma tête

Un nuage funèbre et gros d'une tempête,

Qui portait un troupeau de démons vicieux,

Semblables à des nains cruels et curieux.

À me considérer froidement ils se mirent,

Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,

Je les entendis rire et chuchoter entre eux,

En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux:





— «Contemplons à loisir cette caricature

Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,

Le regard indécis et les cheveux au vent.

N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant,

Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,

Parce qu'il sait jouer artistement son rôle,

Vouloir intéresser au chant de ses douleurs

Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,

Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,

Réciter en hurlant ses tirades publiques?»





J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts

Domine la nuée et le cri des démons)

Détourner simplement ma tête souveraine,

Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène,

Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil!

La reine de mon coeur au regard nonpareil

Qui riait avec eux de ma sombre détresse

Et leur versait parfois quelque sale caresse.



— Charles Baudelaire


(este grabado de Goya, Volaverunt, se relaciona con este poema)


LA BEATRIZ




En terrenos de ceniza, calcinados, sin verdores,

mientras me lamentaba un día a Naturaleza,

y mi pensamiento vagaba al azar,

sintiendo en mi corazón clavarse el puñal,

vi, en pleno mediodía, descender sobre mi cabeza

una oscura nube grande y tempestuosa,

que llevaba un rebaño de viciosos demonios,

parecidos a enanos crueles y curiosos.



Pusiéronse a contemplarme fríamente

y, como hablando de algún loco que pasa,

les oía reír y murmurar entre sí,

y cambiar más de un guiño y más de un ademán.



«Contemplemos a gusto esta caricatura,

esta sombra de Hamlet que imita su gesto,

la mirada indecisa y los cabellos al viento,

¿no da pena ver a ese vividor,

ese vago, ese histrión sin teatro, ese gracioso,

que porque sabe representar con arte su papel,

quiere interesar con sus cantos de dolor

a las águilas, grillos, arroyos y flores,

e incluso a nosotros, autores de estas viejas rimas,

y recitarnos a gritos sus públicas parrafadas? »



Hubiera podido (mi orgullo, alto como el monte,

domina la nube y el clamor de los demonios)

volver simplemente mi cabeza serena,

si no hubiese entre su tropa obscena,

¡crimen que no hizo tambalear al sol!,

la reina de mi corazón, de mirada sin igual,

que se reía con ellos de mi sombría tristeza

y les hacía, a veces, alguna sucia caricia.

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